Bonjour à tous de retour sur le blog, pour vous parler des plus belles créatures du monde ! (attention cette affirmation est purement subjective)
Attrapez les toutes ! Seriez-vous reconnaitre les sept espèces de tortues marines ?
Dans l’ordre, la tortue luth (Dermochelys coriacea), tortue olive (Lepidochelys olivecea) , tortue caouanne (Caretta caretta), tortue à dos plat (Natator depressus) , tortue de Kemp (Lepidochelys kempii) , tortue imbriquée (Eretmochelys imbricata) et tortue verte (Chelonia mydas).
Les tortues sont des Sauropsidés c’est-à-dire de la famille des oiseaux, crocodiliens et des squamates (serpents + lézards). Elles sont caractérisées par la présence d’une carapace, faite de plaques d’os, qui recouvre le dos et le ventre. Les épaules et le bassin sont à l’intérieur de la dite carapace.
Dans ce billet nous parlerons des tortues marines qui appartiennent à deux groupes différents. La tortue Luth (Dermochelys coriacea) appartient au groupe curieux des Dermochelyidae dont elle est la seule représentante actuelle.
La tortue luth est cependant dans le même groupe qu’une espèce préhistorique appelé Archelon, et qui partageait comme elle l’absence de carapace osseuse. Archelon nageait dans les océans il y a de ça 70 millions d’années, et se permettait de fendre les eaux avec sa jolie taille de 4m de longueur. Mais la tortue luth est toute aussi impressionnante avec ses 3 mètres de long et son poids plume de 350kg.

Salut moi c’est Archelon ischyros je mesure 4m et pèse 2 tonnes!

Coucou moi c’est Dermochelys coriacea, je mesure 2m et le poids maximum d’un de mes confrères était de 950 kg ! Et moi j’ai pas disparu !
Les 6 autres espèces de tortues marines appartiennent au groupe des Cheloniidae qui est apparu au Crétacé. Elles possèdent une carapace osseuse et de nombreuses adaptations au monde marin.
Les tortues marines se nourrissent principalement de cnidaires (méduses, coraux) et permettent la régulation de la population étant donné qu’elles représentent leurs seuls prédateurs.
A noter qu’une espèce de tortue appelée la tortue imbriquée (Eretmochelys imbricata) est connue pour manger essentiellement des éponges. Des estimations ont permis de déterminer que ces tortues mangeaient 200 tonnes d’éponges par an limitant ainsi leur propagation sur les barrières de corail.
La tortue Chelonia mydas) est elle connue, pour être verte comme son nom l’indique subtilement, mais aussi pour manger une espèce de microalgue qui a tendance comme l’éponge, à envahir les barrières de corail. Cette gentille bébête contribue ainsi à limiter la population de cette algue qui étoufferait sinon cet écosystème. Les biologistes spécialistes des tortues ont tendance à clamer haut et fort que les tortues ont un rôle primordial dans l’équilibre des écosystèmes marins.
Les tortues peuvent être fascinantes, de par leurs capacités à effectuer de longues migrations pouvant durer plusieurs années. En effet elles parcourent tous les océans sauf les océans polaires, car incapables de totalement réguler leur chaleur interne.
C’est ainsi que des chercheurs qui suivent une tortue peuvent la trouver en Méditerranée et quelques mois plus tard barboter tranquillement dans l’océan Indien. Il semblerait que les tortues suivent le champ magnétique terrestre car leurs cerveaux contiendraient des cristaux de magnétite qui s’orientent selon ce champ magnétique.
Alors vous allez dire « Ok pour le champ magnétique. Comment ça peut les aider à s’orienter? ». Et bien, c’est précisément ce même champ magnétique qui permet aux femelles tortues de se rappeler sur quelle plage elles sont nées, et d’y retourner pondre ! Hé oui car l’une des particularités des tortues marines est la ponte sur la terre ferme. En effet d’après les études des fossiles de tortues, elles étaient primitivement terrestres, puis deux groupes se sont adaptés au monde marin. (Celui des luths avec Archelon et celui des 6 autres). Mais elles ont gardé la nécessité de pondre sur la terre ferme.
Selon l’espèce, la femelle effectue une longue migration entre deux périodes de ponte. D’ailleurs c’est en général sur la partie reproductive que nous avons le plus d’informations. Et on en connaît beaucoup plus sur les tortues femelles que sur les mâles.
J’ai eu la chance cet été d’assister à la ponte des tortues Caretta caretta et je peux ainsi vous expliquer les différentes étapes de ce processus. Il est à peu près similaire chez toutes les espèces mais quelques paramètres varient notamment le temps de ponte, la profondeur du nid, le nombre d’œufs ainsi que leurs tailles…
La sortie des eaux
La tortue femelle remplie d’œufs fécondés sort la nuit. Elle se hisse avec beaucoup d’effort sur la plage. Elles laissent des traces caractéristiques appelés traces up pour la montée et down pour la descente.

La trace « up » est en forme de sourire. La trace « down » en forme de mécontentement.
A ce moment-là, les tortues « pleurent » mais ça n’est que de l’eau qui coulent afin de protéger ses yeux adaptés à l’eau et non à l’air, ainsi que d’expulser le sel de son organisme par les glandes lacrymales, (surplus de sel qu’elle ingère dans son alimentation). Les tortues une fois sur la terre n’entendent strictement rien car leur appareil auditif est inactif s’il n’y a pas d’eau.
Elles sont donc très alertes aux stimuli visuels (mouvements et lumières), et un simple mouvement peut les effrayer. C’est pourquoi il est important de ne pas bouger pendant l’observation. Pour les voir dans la nuit nous portions des lampes rouges, car elles ne voient pas dans le rouge. (Ce qui fait sens puisque dans l’océan les premières longueurs d’ondes absorbés par l’eau de mer correspondent aux rouges).
Ensuite la tortue va « tester » le sable, c’est-à-dire tester la texture, l’humidité du sable pour estimer si c’est bon pour ses œufs. Elle effectue pour ce faire un mouvement appelé « body pit » où elle s’enfonce dans le sable en gigotant son corps, ressemblant à un magnifique mouvement de zumba. Une autre façon de tester le sable est appelé le « swim » à ce moment la tortue va tout simplement nager dans le sable de manière très gracieuse, afin de voir s’il est suffisamment humide.
Il arrive parfois que les tortues se mettent à creuser un nid mais qu’au fur et à mesure le sable ne leur plaît plus et elles abandonnent. Dans ce cas là on retrouvait alors un trou dans le sable sans œufs appelé une « chambre à œufs avortée ».
Quand elle finit par trouver un endroit idéal, commence alors la phase où elle creuse. (nb: Il arrivait parfois que certaines tortues sortaient sur la plage mais ne pondaient pas et retournaient à l’eau. Nous en avons déduit de par leurs tailles, que c’étaient des jeunes tortues qui avaient encore un peu de mal à comprendre ce qu’elles devaient faire hors de l’eau !)
Creuse, creuse,
Une fois qu’elle trouve le bon endroit, la tortue se positionne dos à la mer et commence à creuser. Ce moment là est extrêmement crucial et c’est celui où elle a tendance à être effrayé par le moindre mouvement.
Elle creuse avec ses nageoires postérieures. C’est un mouvement stéréotypique c’est-à-dire toujours le même, où elle creuse alternativement avec la nageoire droite puis la gauche. Droite, gauche, droite, gauche… Avec sa nageoire elle forme une coupelle qui recueille le sable et le met sur le côté du trou qu’elle creuse. Mais une image vaut mille discours donc voici une petite vidéo.
Au fur et à mesure qu’elle creuse, elle évalue la profondeur du nid, jusqu’à ce qu’elle estime que c’est suffisant pour pondre. Elle creuse un trou entre 50 et 60 cm, ayant une forme de vase.
Mais comment sait on qu’elle estime la profondeur ? Et bien certaines tortues possédant une nageoire arrière blessée donc plus courte, n’arrivait pas à creuser très profond (20cm environ) et finissait toutes par abandonner. Et lorsque qu’on les aidait à creuser un trou plus profond elle finissait par pondre ! Nous en déduisions qu’elle estimait la profondeur avec la nageoire toujours intacte.
Une fois le trou creusé, la tortue va pouvoir pondre.
La ponte
Lors de la ponte, la tortue est comme coupée du monde. Elle ne réagit à aucun stimuli, et c’est à ce moment qu’elle est la plus vulnérable. La tortue après avoir creusé sort son cloaque en direction de la chambre à œufs. Elle pond un œuf à la fois. Là aussi nous assistons à une réaction stéréotypique. Elle lève ses quatre nageoires, les repose, prend une inspiration, et un œuf sort de son cloaque. Elle répète cette opération autant de fois qu’il y a d’œufs.
Les œufs sont entourés d’un mucus épais et stérile qui permet de les protéger. Caretta caretta pond en moyenne 80 œufs. Nous devions attendre qu’elle termine sa ponte, ce qui dure environ 20 minutes. (Une petite pensée pour l’équipe qui a assisté à une ponte de 182 œufs…)
C’est donc à ce moment là que l’on peut la toucher ! J’ai notamment touché la carapace, et la peau d’une tortue, pour vous donner une idée il vous suffit de toucher la partie rugueuse de votre coude qui a la même texture que leur peau, avec l’odeur du poisson en plus…
Après la ponte, elle effectue le même mouvement que pour creuser mais à l’envers, en remettant des mottes de sable dans le trou. Une fois le tout bien recouvert elle tape avec ses nageoires l’emplacement de la chambre à œufs et ensuite effectue un camouflage. C’est-à-dire qu’elle effectue de grands mouvements avec ses 4 nageoires afin de cacher l’emplacement du nid.

Voici à quoi ressemble un nid une fois le processus de ponte fini.
La tortue immatriculée M8481 m’a d’ailleurs envoyé du sable dans les yeux (je te retrouverai toi …). Ensuite elle redescend tout doucement à la mer, pour repartir.
Les bébés tortues

Cours bébé tortue, le monde est devant toi !
La période d’incubation est de 55 jours, pendant ce temps là les œufs respirent et les échanges de gaz s’effectuent par le sable. Il est donc important que le nid ne soit pas trop proche de la mer car si le sable est mouillé, les embryons seront asphyxiés. D’ailleurs il arrivait que nous ayons à déplacer des nids trop proches pour leur donner une chance d’éclore.
Cas intéressant, le sexe des bébés tortues n’est pas déterminé par des chromosomes sexuels mais par la température d’incubation. Si la température est supérieure à 28°C les bébés seront toutes des femelles et en dessous des mâles. On estime que dans le nid ceux en périphérie seront plutôt des mâles et au centre des femelles. Sachant que seulement 80% des œufs donneront des embryons viables.
Quand les juvéniles commencent à sortir de leur œuf, le nid se creuse un peu sur le dessus. C’est à ce moment que l’on sait qu’ils vont sortir dans les prochains jours. Aussi nous avons remarqué que quand la période d’éclosion arrive, les chiens sauvages et les oiseaux marins envahissent les plages, il semblerait donc qu’une odeur attractive se dégage à ce moment spécifique.
Les bébés tortues sont d’une couleur gris bleuté, et mesure à peu près 5cm de long, quand ils sortent de l’œuf : ils sont -déjà très mignon- et surtout tout mou ! Leur carapace ne se durcira que lorsqu’ils commenceront à manger des petits coquillages, apportant les minéraux nécessaires à la croissance de leurs carapaces.
Pour sortir les bébés se montent les uns sur les autres et sortent du sable, une fois dehors ils sont très vulnérables. En effet ils doivent rejoindre la mer à quelques dizaines de mètres, alors que leurs carapace est molle, rempli de réserves de graisse ; ils sont des proies de choix pour les chiens errants et les animaux de plages comme les oiseaux ou les crabes.
- Comment tu vois un bébé tortue
- Comment un goéland voit un bébé tortue
D’ailleurs si jamais vous voyez des petites tortues sur une plage qui accourent à la mer, NE LES AIDEZ SURTOUT PAS! On a tendance à vouloir les transporter car on sait que la probabilité qu’ils arrivent à l’âge adulte est très faible (1/1000), et ils sont trop mignons, on a envie de les toucher, de les aider, de prendre un selfie avec eux. Si vous les transportez à la mer vous feriez l’exact opposé !
C’est un moment très important car ils développent alors leurs sens, leurs muscles, activent leur métabolisme pour dégrader leurs réserves de graisse, ce qui leur permet de bien commencer dans la vie. Et plus important encore, c’est à ce moment que les femelles enregistrent la position de leur plage de naissance. A ce moment les cristaux de magnétite dans le cerveau figent la position du champ magnétique, mais il semblerait que d’autres paramètres soient en jeu comme la salinité de l’eau, la position de la voie lactée et leurs capacités de mémorisation.
Elles MEMORISENT l’endroit où elles sont nées, c’est dingue non !? Même si les mécanismes à l’heure actuelle sont mal connus et tout ce que je vous dis ne sont que des suppositions.
Vous pourriez vous demandez : »Comment savent ils où est la mer de nuit « ? Et bien ils suivent les reflets de la lune sur la mer (Oui les tortues sont très romantiques…). Dans le cas des nuits sans lune ou parfois tôt le matin en pleine lumière, les bébés suivront la mer selon ses vibrations.
L’éclairage en pleine nuit est donc l’ennemi de ces petits qui parfois dans la confusion suivent la lumière des lampadaires. Notre but était aussi de limiter la pollution lumineuse, en demandant aux habitants d’éteindre leurs lumières le soir et de mettre des caches assombrissant autour des nids.
Pour finir voici la vidéo de ces adorables petites choses . Et une seule chose me vient à l’esprit. ILS SOOOOOOOOOOOOOOOONT TROOOOOOOOOOP KAWAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAIIIIII !!!
Une dernière petite note, sachez que toutes les tortues marines sont en danger d’extinction. Des programmes de protection se sont développés ces dernières années, pour protéger les sites de pontes, sensibiliser les populations locales en les incitant à ne pas manger les œufs, sensibiliser les touristes à ne pas déranger les tortues pendant leurs pontes, ne pas alimenter le commerce de carapace… Mais des efforts restent à faire notamment sur les réglementations concernant les filets de pêche, premier fléau qui les empêchent de respirer une fois qu’elles sont prises dedans; ou encore les sacs plastiques qu’elles confondent avec des méduses.
J’ai d’ailleurs participé en Grèce à un programme de protection (http://www.archelon.gr/index_eng.php) qui m’a permis de voir pondre des tortues, et qui plus est m’a permis de vous transmettre mon expérience et ma passion pour ces maîtresses de la mer.
En espérant que cet article vous a plu.
A bientôt.
Bonjour à vous.
Je suis en train de terminer ma thèse sur le mouvement des tortues de mer et je me permets de poster un petit commentaire constructif pour améliorer votre article. La vulgarisation n’est pas un exercice facile et je trouve que c’est une très bonne chose que vous teniez ce blog (c’est en pratiquant et en écrivant que l’on s’améliore). Il y a un point que je trouve relativement important que j’aimerais pointer. Pour moi l’article manque de sources, je pense qu’un bon article de vulgarisation doit permettre au lecteur de retrouver et d’approfondir l’information facilement s’il le souhaite. Du coup il manque une petite section bibliographie/source. Ajouter les sources donneras plus de poids a votre article.
Voilà, en espérant que ces ce commentaire sera utile. Au plaisir de lire un autre de vos post.
AD
Bonjour !
Merci de votre commentaire !
Il est vrai que je n’ai pas mis mes sources – mea culpa- et je m’empresse de le faire dans la suite du commentaire.
Cependant ce qui est écrit ici est en grande partie issue d’informations acquise par expérience personnelle. Surtout l’explication du processus de ponte. Alors oui, cela manque probablement de précisions et beaucoup sont des suppositions issue d’observations (processus peu scientifique c’est vrai) mais c’était juste pour expliquer ce que l’on peut voir quand on voit une tortue pondre.
En tout cas merci d’avoir souligné cette erreur et merci pour votre encouragement !
A bientôt!
Flora
sources :
( les articles scientifiques sont pas écrit avec la référence qu’il faut… Pardonnez moi)
Sea Turtles: A Complete Guide to Their Biology, Behavior, and Conservation, James R. Spotila – October 26, 2004
Multi-Modal Homing in Sea Turtles: Modeling Dual Use of Geomagnetic and Chemical Cues in Island-Finding.
Endres CS1, Putman NF1, Ernst DA1, Kurth JA1, Lohmann CM1, Lohmann KJ1, Front Behav Neurosci.
The role of geomagnetic cues in green turtle open sea navigation.
Benhamou S1, Sudre J, Bourjea J, Ciccione S, De Santis A, Luschi P,. Epub 2011 Oct 26.
Evidence for geomagnetic imprinting and magnetic navigation in the natal homing of sea turtles.
Brothers JR1, Lohmann KJ2., Epub 2015 Jan 15.